La plupart des sœurs qui aimaient remuer la bouche sur ces bancs étaient des dames bien nées. Nées pour diriger, en quelque sorte, et avec une belle fortune. Cela aide beaucoup à la confiance.

Nous, nous sommes la majorité silencieuse, dans tous ces siècles des siècles. Nous sommes les béguines auxquelles vous pensez lorsque le mot béguine vous vient à l'esprit. Nous dentelons, nous cousons et nous raccommodons. Nous brodons des fils décoratifs sur les robes des femmes riches du centre-ville ou d'ailleurs. Nous lavons les chemises, les draps et les bandages de l'infirmerie, et nous étalons tous ces textiles sur le champ de blanchiment.

Nous n'avons pas le droit de laver les vêtements des hommes, jamais, jamais.

Nous servons de bonnes à nos sœurs plus aisées. Nous veillons à la propreté de l'église. Nous marchons sur les soufflets, les poumons de l'orgue. Nous passons la serpillière sur les carreaux jusqu'à ce que la lumière elle-même glisse dessus.

Chaque semaine, nous recevons six œufs. Trois fois par semaine, nous avons droit à une portion de viande, sauf pendant le Carême, où il y a du poisson le dimanche. À l'Épiphanie, nous avons le droit d'apporter des gaufres au beurre à table, et parfois aussi des oliebollen, par exemple le mardi gras. Ensuite, nous nous gavons, pour avoir de la réserve.

Nous blanchissons à la chaux les murs de nos maisons et ceux de nos sœurs qui se considèrent trop belles pour un travail aussi rude.

Nous sommes les mains invisibles qui réparent toujours quelque chose. Ici, dans le champ de blanchiment, nous trempons nos poings dans la soude et pétrissons le linge comme du pain. Nous enfournons des feuilles de pâte blanche dans les fours de nos cuisinières.

Nous n'avons pas beaucoup de temps pour le farniente. Nous sortons rarement. Nous entendons les bateaux sur l'Escaut et levons les yeux pour voir quelle saison s'attarde à la cime des arbres. 

Jusqu'à ce que la cloche de l'église nous appelle à la prière. Toute la journée, autour du cadran.

Travailler et prier, c'est ainsi que nous l'appelons. Le travail et les églises.

Les jonquilles fleurissent là où nous avons déposé les draps.